• 06

    Lentement, je m’avance vers lui.
    Ses yeux sont rouges d’avoir trop pleuré. Je le prends dans mes bras. Il murmure doucement quelque chose à mon oreille.
    - Je vais te sauver, Cassie. Merci d’être venue.
    Il a compris. Il sait. Malgré tout, le soulagement n’arrive pas à me gagner.
    - Merci, Azra.
     
    Je me décroche de sa poitrine. Pendant que chaque invité achève de jeter ses derniers mots, ses dernières fleurs, ses derniers regards en bas, Azra remplit ma main d’une poignée de terre.
    - Vas-y, Cassie.
    Il n’y a plus rien que ce coffre de sapin désormais. J’ai peine à me dire qu’à l’intérieur il y a le corps de mon amie. J’ai l’impression que plus rien n’a de substance et que je m’adresse à une boîte aussi vide que ma mémoire, en jetant la terre que m’a confiée Azra.
    - Adieu Morgane.
    C’est court.
    C’est nul.
    C’est inconsistant.
    En même temps, c’est tellement moi...
    Mais je ne sais pas quoi dire d’autre.
    Et tant pis si je sens encore les regards insistants des autres.
    Qu’ils pensent ce qu’ils veulent.
    Je n’ai pas besoin d’une tirade pour exprimer mon chagrin. Il ressurgira avec le temps. Avec l’absence. Et je saurai alors mettre les mots qu’il faut. Dans l’intimité. Mais je ne livrerai pas mes sentiments devant cette assemblée qui me méprise.
    Méprisez-moi.
    Méprisez-moi, vous qui savez si peu de moi en fin de compte.
    Je ne me rappelle pas de vous, car vous n’avez aucune importance. Vous vous souvenez de moi. Vos regards me prouvent que vous ne m’avez jamais oubliée. C’est ma revanche.
    Je me tourne vers Azra.
    - Tu pourrais me présenter à quelqu’un que je connais ?
    Il se penche à demi. Je l’entends chuchoter.
    - Je ne me rappelle pas vraiment qui tu as déjà vu ou pas... mais...
    Il hésite. Il balaye l’assistance des yeux. Soudain il a un mouvement d’arrêt. Son visage s’éclaire.
    - Bien sûr ! Lui, tu le connais ! Je m’en rappelle... C’était à la fac. Viens avec moi !
    Nerveuse, je glisse ma main dans la sienne. Et allez ! Les regards bis repetita ! En même temps, c’est pas comme si j’avais pas l’habitude...
    Il y a les filles qui attirent le regard par leur beauté. Celles qui l’attirent par leur esprit. Je l’attire par le ridicule. Et s’il y a une chose que mes trente années de vie m’ont enseignée : c’est que, résolument, le ridicule ne tue pas.
    La preuve ! Je suis toujours là.
    Nous nous avançons à travers ces autres. Fendant leur cohésion qui me renvoie à ma propre gêne.
    Et son corps est encore chaud.
    N’a-t-elle pas honte, devant son cercueil ? Donner la main à Azra ?
    Aucun scrupule, cette fille n’a aucun scrupule.
    Le bout du chemin est marqué par la silhouette d’un grand gars à la longue chevelure noir-de-jais. Azra pose une main sur son épaule.
    - Cassie ? Tu te rappelles de mon ami d’enfance ?
    Je blêmis. J’ai chaud. Mon sang monte tellement en pression que j’ai peur qu’il jaillisse par tous les pores de ma peau.
    Je ne l’éviterai pas. Pas cette fois.
    Perdu Cassandre. Cassandre perdue.
    Même joueur joue encore.
    En effet, de tous ici, lui... Lui... Lui ! Lui, je ne l’ai pas oublié.
    - Cassandre Parlanti, Coriolan Galen, nous présente courtoisement Azra d’un ton doux.
    Coriolan prend la main tremblante que je lui tends.
     
    Et ça y est... Je suis de nouveau toute nue. Je me couvrirais bien le corps de mes bras si je trouvais le moyen de récupérer la main qu’il tient toujours dans la sienne. Il faudra un jour qu’il m’explique comme il fait pour m’arracher tous mes vêtements aussi vite. Il les fait fondre, c’est pas possible...
    - On se connait, répond Coriolan sans me quitter des yeux.
    Sans me lâcher. Avec cet air cynique, ce mépris qui démontre manifestement un certain ennui de se retrouver à la colle avec la pimbêche de service.
    Le malaise est total.
    Cette fois je suis à terre. Je suis sous terre. Morgane. Avec toi. Enterrée vivante par le seul regard qui m’a toujours sondé plus profondément que les autres.
    Je souris de toutes mes dents.
    J’ai l’air d’une idiote.
    Ce qui veut dire pour les autres que j’ai l’air normale. Donc, quelque part, tout va bien.
    Mais c’était trop tard. Je l’avais dit. Encore. Je l’avais sifflée entre mes dents cette phrase que je ne sais décidément pas retenir. Hélas.
    - Je veux mourir...

    « 0507 »

  • Commentaires

    1
    Enaya
    Mercredi 20 Mai 2009 à 23:00
    Y'a de la tension dans l'air... *tousse*
    2
    simorette
    Jeudi 21 Mai 2009 à 08:53
    mais non il ne te méprise pas, Cassie ! bon d'accord il te trouve foutrement agaçante, mais il ne te méprise pas !!!
    3
    Link
    Jeudi 21 Mai 2009 à 08:57
    C'est la première fois que je vois une belle mère prendre autant le parti de sa bru ! A défaut du fils, elle a au moins la mère de son côté, merci simorette !
    4
    Koelia
    Jeudi 21 Mai 2009 à 09:56
    Ah la re-rencontre... trop bien... trop hâte de voir les suivantes (p^récédentes!)
    5
    C'ian
    Jeudi 21 Mai 2009 à 15:01
    Niaaah !! Corio/Cassie, ça gèèèèèreuh !! J'ai trop hâte de voir la suite *w*
    6
    Rose
    Samedi 23 Mai 2009 à 13:22
    c'est tendu X'D moi, je la trouve pas idiotte cassie, elle est trop chou <3
    7
    Isis
    Dimanche 24 Mai 2009 à 18:22
    Je suis vraiment émue par les propos de Cassie, sa détresse est si grande !
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