• 17

    Les marches sont brinquebalantes et difficiles à descendre. Saleté d’échasses. Qui, à part moi, peut avoir l’idée de mettre des bottes pareilles ?
    Il fait particulièrement sombre, en même temps je n’éprouve pas l’envie d’allumer la lumière. L’obscurité me camoufle et c’est tout ce dont j’ai besoin.
     
    Il n’a quasiment pas fait de bruit en descendant. Ou j’étais tellement perdue dans mes pensées que je ne l’ai pas entendu. Ce qui est aussi tout à fait possible.
    Quand il a commencé à déplacer des chaises, je crois que j’ai sursauté.
    - Mais qu’est-ce que tu fais là ? Toute seule, dans le noir.
    - Je... Je... Je...
    Je suis pitoyable. Même pas fichue de formuler une phrase grammaticalement correcte.
    - Tu as besoin d’aide, Coriolan ?
    J’écrase rapidement le mégot qui commence à me brûler les doigts, avant d’empoigner une des chaises pliantes qu’il tient contre lui.
    - Ca va aller. Je ne te dérange pas plus longtemps.
    Sérieux, qu’est ce que je lui ai fait à la fin pour récolter autant de froideur ? Autant les autres, je ne me rappelle pas de tout, donc je me suis peut être mal comportée. Mais lui ! Lui, je me rappelle de tout. Et s’il y a bien une chose dont je suis certaine c’est que je ne lui ai jamais rien fait.
    Je ne dois pas lui revenir.
    C’est comme ça.
    Au placard Schariar, tu ne seras jamais sa Schéhérazade.
    Fantasmes idiots.
     
    Tant pis pour lui, parce qu’en même temps s’il y a une chose que je sais faire, c’est bien raconter des histoires !
    - Tu ne savais pas que j’étais là, et il n’y a rien à déranger.
    J’insiste en soulevant la chaise que j’ai saisie.
    C’est là que la porte a claqué.
    Son air surpris m’arrache un sourire. Mais en remontant ouvrir la porte, je ne sais plus si j’ai envie de rire.
    Il n’y a pas de poignée.
    Formidable. J’ai décidément tellement de chance...
    Allez, essayons de prendre la chose avec philosophie.
    - Je crois qu’on est enfermés.
    Il se précipite à son tour dans les escaliers constater par lui même que je ne l’ai pas embobiné avec une mauvaise plaisanterie.
    Je pense que je suis définitivement idiote. Définitivement parce que j’aurais peut être dû me rendre compte qu’il prenait la chose avec moins d’humour. Je n’aurais jamais dû dire ce :
    - Et tu veux savoir le plus drôle ? Mon portable est dans mon sac à main... Dehors ! Tu peux prévenir quelqu'un ?
    Sa réponse est sèche et ne se fait pas attendre.
    - Parmi mes innombrables dons, la télépathie n'en fait pas partie... Sinon, crois bien que je m'en serais déjà servi pour appeler à l'aide !
    Ben pardon de croire que, comme tous les mecs, tu te balades avec son portable et tes clopes dans une poche ! En même temps ça aurait pu passer (j’ai l’habitude qu’on me parle avec brutalité, même si j’ai du mal à encaisser le « à l’aide », je ne suis pas le Minotaure tout de même)... Mais quand il m’a poussée d’un geste presque brusque pour vérifier si la poignée n’était pas tombée, là, j’ai commencé à me sentir vraiment mal.
    Non seulement il prenait la situation très au sérieux... Mais en plus, c’était, semble-t-il, une véritable torture de devoir la subir avec moi.
    Seule, Cassandre. Tu es toute seule.
    Génial. Il va me couper la tête. Comme toutes les autres.
    Je me laisse glisser sur une chaise, un peu sur le côté. En riant nerveusement. Je n’aurais pas dû non plus. La poussière que j’ai soulevée en me laissant aller à ce mouvement me fait tousser.
    - Ouais, conclus-je pour moi-même, c’est pas drôle...
     
    Une forme attire mon regard dans l’ombre. Peut-être pas si seule en fin de compte... Mon sourire s’adoucit soudain, et je n’ai cure de la chaise qui se renverse avec fracas lorsque je me lève d’un bond pour empoigner cette bouteille qui m’appelle avec insistance.
    - Château Cheval Blanc 1978... Au moins nous ne serons pas en mauvaise compagnie le temps que l’on se rende compte de notre disparition... Tiens la bouteille... Je vois si je trouve des verres...
    Je lui colle d’autorité dans les bras. L’ivresse lui fera surement oublier que ce n’est que moi. Ne mésestimons pas le pouvoir du vin. Il se peut même qu’on en vienne à parler... Peut-être...
    - Excellent choix...
    Ce murmure est quasi imperceptible, mais il agrandit le sourire que je m’efforce d’afficher sur mon visage. Il trouve que c’est une bonne idée. Un point de gagné. Toujours ça de pris...
    Pendant que je tâtonne dans le noir entre les caisses et des choses (je préfère même pas savoir ce que c’est) à la recherche de verres dignes de ce nom, je l’entends soudain s’exclamer.
    - Abomination de la désolation !
    En sursautant, mon épaule heurte un carton qui émet alors un fin bruit de verres s’entrechoquant. Et tandis que je le vois fouiller une étagère, je récupère victorieusement deux coupes dans la caisse que je viens de dénicher.
    Le face à face est simultané, lui m’agite sous le nez le tire-bouchon qu’il a trouvé...
    - Le dieu Bacchus est avec nous ! C'est la seule arme que je supporte...
    Moi, lui présentant mes deux verres en offrande...
     

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  • Commentaires

    1
    Enaya
    Mercredi 20 Mai 2009 à 23:29
    2
    Koelia
    Jeudi 21 Mai 2009 à 10:19
    Là c'est moi qui me liquéfie sous le regard de corio... il est beauuuuuuu!!!!
    3
    SheZeve
    Jeudi 21 Mai 2009 à 20:46
    Ah ben bravo ! Vive les alcoolos ! -_- lol J'aime bien les références mythologiques et historiques carrément adéquates =D
    4
    Isis
    Dimanche 24 Mai 2009 à 19:08
    J'adore les références mythologiques. Cassandre, le Minotaure, Bacchus...
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