• 20

    V-8

    Il décida de prolonger sa pause en se grillant une petite cigarette bien méritée. Après tout, c'était au tour de cette damnée illustratrice de l'attendre, il n'était pas à ses ordres...

    Il alluma sa cigarette, inhala la fumée en fermant les yeux pour mieux en savourer le goût.

    De la salle attenante lui provenaient des bribes de conversation, presque inaudibles, jusqu'au moment où une voix claire et musicale, qu'il ne connaissait pas, prononça distinctement le nom d' Olympe de Courge. Tiré brusquement de sa bienheureuse torpeur, il faillit en tomber de son tabouret, se rattrapa in extrémis au comptoir et tendit l'oreille le plus discrètement possible.

    Il reconnut la voix légèrement traînante de Tamara, la jeune maquettiste fraîchement embauchée, et qui disait :

    - Vous en avez de la chance de dessiner pour elle ! Ses romans connaissent toujours un immense succès ! Croyez-moi, c'est le meilleur moyen pour une jeune illustratrice comme vous d'attirer l'attention sur votre travail...

    - Ah... et vous l'avez déjà rencontrée ? Le succès ne lui a pas trop monté à la tête et n'est-elle pas devenue trop exigeante envers ses collaborateurs ?

    Par «exigeante», Coriolan comprit «capricieuse». Et il se prit à sourire, soudain intéressé par la suite de la conversation.

    - A vrai dire, je ne l'ai encore jamais croisée ici. J'ai entendu dire qu'elle vivait la plupart du temps en recluse. Je crois que personne ne sait à quoi elle ressemble vraiment... à part Adèle Cormon évidemment. Elle n'a jamais accordé aucune interview ni participé à aucune émission de promotion ! D'ailleurs, vous ne trouvez pas que sa misanthropie se ressent jusque dans ses livres ?

     V-9

     - Sa misanthropie ? Ou sa misogynie ? On a l'impression qu'elle a des comptes personnels à régler avec les représentantes de son propre sexe ! Je crois plutôt qu'on a affaire à une grosse frustrée de l'amour, suite à un événement dramatique qui serait survenu dans sa jeunesse qui l'aurait suffisamment abîmée pour... Hum...Hum...Enfin bref... Qui vous dit qu'Olympe de Courge est une femme ? Puisque personne ne l'a jamais vue ! Je ne sais pas pourquoi mais je me l'imagine la voix grave, le masque viril agrémenté d'une moustache et le corps bourré de testostérones...

    - Ah non ! Là, vous venez de dresser le portrait craché d'Adèle Cormon, notre éditrice !

    Coriolan les entendit s'étrangler de rire telles deux collégiennes .

    «Non mais, quelles bécasses! Jamais entendu des bécasses pareilles !!»

    Mais il n'avait pu s'empêcher de se tapir contre la cloison, comme un animal pris au piège.

    Il n'osait plus bouger, il n'osait plus respirer, il n'osait plus penser !

    Enfin, il perçut le raclement de chaises que l'on déplace puis le bruit de pas qui s'éloignent. Il compta lentement jusqu'à cinq avant de jeter un coup d'œil alentour dans l'espoir de découvrir l'identité de cette mystérieuse inconnue mais les deux femmes avaient déjà disparu au fond du couloir.

    V-10

     Il dut alors se résigner à quitter sa cachette et à regagner le bureau de son éditrice. Après tout, rien ne pourrait être pire que ce qu'il venait d'entendre.

    Un peu abattu tout de même, il poussa la porte du bureau avec l'enthousiasme d'un homme qu'on mène à l'échafaud. C'est alors que la stupéfaction le cloua sur place : la jeune femme qui parlait avec Adèle lui tournait le dos mais il reconnut immédiatement le petit farfadet rêveur qu'il avait croisé un peu plus tôt dans la rue.

    - Justement, disait Adèle à l'adresse de la jeune femme, quand on parle du loup... Coriolan, enfin te voilà, mon lapin ! Laisse-moi te présenter Mlle Parlanti, qui va s'occuper de la couverture du roman... et qui fourmille déjà d'idées plus intéressantes les unes que les autres...

    Comme au ralenti, il vit mademoiselle Parlanti se retourner, le fixer avec surprise – pourquoi donc avec surprise ? Il entendit le cliquetis de ses multiples bracelets quand elle s'approcha de lui , sentit son parfum suave quand elle lui tendit la main.

    - Coriolan ? C'est toi Coriolan ? On se connaît, il me semble !

    « 1921 »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 7 Juillet 2010 à 23:30
    Oups?
    2
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    Vendredi 9 Juillet 2010 à 10:16
    Ahah, ma pauvre Cassie ! Toujours à se fourrer dans les pires plans !
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