• 21

    V-11

    Cette voix... Si claire et si musicale... Brusquement arraché au charme de cette apparition, Coriolan rejeta son buste en arrière, croisa les bras contre sa poitrine pour ne pas avoir à la saluer, furieux de reconnaître la voix de celle qui avait si bien percé à jour le secret de son pseudonyme.

    - Plaît-il ? Lâcha-t-il entre ses dents avec toute la hauteur dont il était capable.

    - Je... tu... bafouilla la jeune femme décontenancée par la froideur de son interlocuteur. Enfin, Coriolan, on se connaît, non ? Tu ... tu ne te souviens pas ?

    - Je ne crois pas, non ! J'ai toujours été très exigeant sur le choix de mes fréquentations, continua-t-il sur un ton glacial tout en détaillant ses oripeaux et ses breloques colorés comme on regarderait un objet de pacotille. Et je préfèrerais que l'on s'en tienne au vouvoiement : le tutoiement est seulement pour mes amis !

    Satisfait, il vit les épaules de la péronnelle s'affaisser et son joli visage se chiffonner – allons, encore un petit effort, et elle prendrait la porte sans demander son reste, comme toutes les autres illustratrices avant elle.

    Il ignora Adèle qui menaçait discrètement de lui trancher la gorge. Au moment où il allait poursuivre sur sa lancée, son éditrice s'exclama sur un ton qu'elle voulait bonhomme :

    - Allons, mignonne, ne vous laissez pas impressionner par ce phallus sur deux pattes ! Il aime rugir mais il n'a encore mordu personne... enfin, pas à ma connaissance... Asseyons-nous et commençons par parler travail, nous n'avons perdu que trop de temps !

    V-12

     Sournoisement, Coriolan choisit de s'asseoir sur le même canapé que la demoiselle, étendit nonchalamment son bras dans son dos.

    - C'est cela, parlons travail ! A ce propos vous me semblez bien jeune... Quel âge avez-vous donc ?

    - 23 ans mais...

    - Une débutante ! C'est bien ce que je craignais ! Avez-vous eu le temps d'acquérir quelque expérience dans le métier ?

    - A vrai dire, je...

    - Rassurez-moi, la coupa-t-il encore, vous savez illustrer autre chose que Martine à la ferme ou Petit Ours brun ?

    - Mais bien sûr, je...

    Puis elle se tut, lasse d'être bousculée par cet homme qui n'avait même pas la courtoisie de l'écouter jusqu'au bout.

    Le secours vint d'Adèle qui suggéra d'une voix douce:

    - Mignonne, et si vous montriez à Coriolan vos dessins? Ils parlent d'eux-mêmes...

    - Bonne idée, montrez-moi donc ces chefs d'œuvre en péril qu'on en finisse au plus vite !

    Malgré le ton volontairement insultant, la jeune fille obtempéra en lui tendant son carton à dessins, sans toutefois oser le regarder.

    Un silence tendu s'installa tandis que Coriolan s'attardait sur chacun des croquis. Cette petite avait du talent, un talent indéniable. Il en venait à regretter ses paroles dures et mesquines mais il était trop fier pour le reconnaître.

    Ce fut Adèle qui le tira d'embarras.

    - Alors, Coriolan, ton verdict ? As-tu d'autres questions à poser à Mlle Parlanti ?

     

    Il répondit à son éditrice en se tournant vers la jeune illustratrice qu'il fixa intensément :

    - Non, toute question serait désormais superflue... Mais j'ai une requête... en forme d'épreuve en fait.

    Et il tendit à la jeune fille une feuille de papier sans la quitter des yeux tandis que ses lèvres esquissaient un sourire à la fois moqueur et complice :

    - Dessinez-moi donc Olympe de Courge telle que vous vous l'imaginez...

     

    IV-17

     Quand il revint sur terre, Cassandre était toujours en face de lui, sa main dans la sienne.

    Il resserra la pression de ses doigts autour des siens quand il sentit qu'elle tentait de s'échapper, puis se pencha vers elle pour n'être entendu que d'elle seule :

    - Eh non, Cassandre, pas de fuite possible aujourd'hui... ni de poubelle derrière laquelle te cacher...

    La confusion de la jeune femme était à son comble. Aussi, eut-il pitié d'elle et relâcha-t-il son étreinte.

    - Allez, je te rends ta liberté... Fais-en bon usage Petit Chaperon tout de noir vêtu... et gare au grand méchant loup...acheva-t-il dans un sourire carnassier.

    En s'éloignant, il l'entendit avec une certaine jubilation souffler son fameux « Je veux mourir... » entre ses dents .

    « 2022 »

  • Commentaires

    1
    Mercredi 7 Juillet 2010 à 23:32
    Satané Corio...
    2
    SheZeve
    Jeudi 8 Juillet 2010 à 02:49
    Le muffle, j'adôôôôre <3
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    3
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    Vendredi 9 Juillet 2010 à 10:18
    Oh le saligaud !
    4
    Isis
    Vendredi 9 Juillet 2010 à 11:17
    Oh, il n'est pas tendre, là...
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