• 26

    VII-4

     - Elle m'a comparé à un cactus, grogna Coriolan, de mauvaise humeur.

    - Mais enfin, c'était il y a 12 ans ! Il y a prescription, non ? Et puis, c'est Cassie quoi !

    Coriolan ne répondit pas.

    L'épithète dont Cassandre l'avait affublé naguère l'avait blessé bien au-delà des mots. Seule l'amertume avait subsisté. Il s'était évertué à l'oublier, à la chasser de sa mémoire comme on enfouit un livre honteux au fond d'un tiroir. Car il avait eu honte. Honte d'être tombé amoureux d'une femme qui finalement n' était pas différente de ceux qui l'entouraient et qui n'allaient jamais au-delà des apparences.

    Azra, qui l'observait en silence, suivait le cours de ses pensées au fur et à mesure que celles-ci se formulaient dans son esprit.

    - Coriolan, ne laisse pas ton orgueil tout gâcher...

    - Gâcher quoi ? Il n'y a rien à gâcher !

    Azra soupira profondément devant l'entêtement de son ami.

    - Ta fierté t'empêche de te l'avouer mais tu l'aimes... Et pire que tout, tu as honte de cet amour, honte de reconnaître ce qui n'est à tes yeux qu'une intolérable faiblesse... Tu es trop fier, Coriolan... à moins que tu ne sois trop lâche...

    Coriolan se retourna vivement :

    - Quoi ?

    - Exactement. Tu te sers de la trahison de ta mère pour ne pas t'attacher mais la vérité c'est que le beau, l'irrésistible Coriolan, pour lequel la plupart des femmes se pâment, meurt de peur à l'idée que ses sentiments ne soient pas partagés par la seule femme trouvant grâce à ses yeux !

    - Et bien sûr, cette femme serait Cassandre ?

    - C'est ce que je me tue à faire entrer dans le tréfonds de ta caboche entêtée depuis au moins dix bonnes minutes... J'ai raison, n'est-ce pas ?

    Coriolan garda le silence.

    Il repensait à la scène de la cave, au moment où Cassie s'était confiée à lui.

    Il fit un effort surhumain pour chasser les émotions qui menaçaient de le submerger. Surtout, rester maître de soi.

    Malgré tout, il avait été profondément touché par les confidences de la jeune femme, par le courage dont elle avait fait preuve en se dévoilant à lui. De ses paroles, il n'avait ressenti qu'une chose : sa souffrance, comme un écho à la sienne. Il n'avait été alors qu'une envie : la prendre dans ses bras, la bercer contre lui pour la protéger d'elle-même et de ses démons, mais, fidèle à ses principes, il s'était contenté de poser une main sur son épaule dans une compréhension de tout son être.

    Ne l'avait-il pas perdue en faisant semblant de ne pas comprendre ses aveux ?

    Quelle ironie ! Il avait eu deux fois le coup de foudre dans sa vie sans savoir que c'était pour la même femme. Cici et Cassie. Cassie et Cici.

    Mais son esprit luttait encore malignement contre cette évidence. Malgré la confession pudique de Cassie dans la cave. Malgré les paroles clairvoyantes d'Azra. Tiraillé par ses sursauts de révolte d'homme qui voit sa liberté menacée par une femme, il tenta une dernière fois de se défiler.

     VII-5

     - C'est impensable, Azra ! Pour ne pas dire impossible... Je me suis montré absolument odieux avec elle chez mon éditrice. Ensuite, j'ai pris plaisir à la mettre mal à l'aise les rares fois où nos chemins se sont à nouveau croisés ! J'ai tout fait pour qu'elle garde de moi un souvenir détestable ! Alors pourquoi m'aimerait-elle ? Franchement, Azra, toi qui me connais, que peut-elle bien aimer chez moi ?

    - Euh... je sais pas... tes cheveux ? Rétorqua Azra, mi-figue mi-raisin.

    Coriolan fixa sur Azra un regard interloqué. Les yeux de celui-ci pétillaient de malice.

    - Pardon. Je n'ai pas pu m'empêcher : tu aurais vu ta tête... Crois-moi, Corio, tu vaux mille fois mieux que l'image de séducteur cynique que tu t'es entêté à donner de toi, continua-t-il sur un ton plus sérieux. Seulement, tu ne le sais pas encore. Laisse juste une chance à Cassie de te faire découvrir l'homme que tu es vraiment.

    - Abomination de la désolation ! Tu parles comme les héros de mes romans ! Et crois-moi, ce n'est pas un compliment...

    - Ca veut dire que tu vas aller la rejoindre ? Au cas où, elle habite 7 rue du Tambour !

     VII-6

    Coriolan écrasa sa cigarette dans le cendrier.

    Il se dirigea d'un pas déterminé vers la sortie, puis, arrivé à la porte, il eut comme une dernière hésitation et s'arrêta. Il tourna la tête vers Azra, son éternel sourire sardonique aux lèvres.

    Azra, résigné, attendit la moquerie, qui vint :

    - Alors comme ça, c'est vrai ? T'aimes mes cheveux ?

    - Rhaaaaaaaaaaa... qu'il est con, mon dieu, qu'il est con ! Râla-t-il en levant vers le plafond un regard consterné. Au lieu de me débiter tes âneries, tu ferais mieux d'essayer de la rattraper, va !

    Il entendit ses pas décroître dans le couloir.

    « Pourvu qu'il n'aille pas faire tout capoter avec son fichu caractère »

     

     

     

    « 2527 »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 8 Juillet 2010 à 06:48
    J'adore la tête que tu as réussi à lui donner sur toutes ces images! On s'y croirait!
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    2
    Link
    Vendredi 9 Juillet 2010 à 10:34
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :