• 29

     

    Coriolan s'engouffra enfin dans sa voiture, actionna machinalement sa clé de contact et démarra dans une embardée asthmatique. Il ne comprenait pas pourquoi il se montrait si fébrile. Premièrement, il n'était pas sûr de rattraper la jeune femme. Deuxièmement, il y avait fort peu de chances pour qu'elle l'accueille avec amabilité vu la manière dont elle était partie, en catimini – du Cassie tout craché ! Troisièmement... troisièmement, il avait une envie folle de tordre le cou à Azra pour lui apprendre à lui mettre de fausses idées en tête et à l'obliger à courir après une femme... Lui, Coriolan Galen ! C'était proprement impensable !

    « Bon, tu la ramènes chez elle et basta ! Tu ne vas quand même pas t'encombrer d'une femme qui a l'air plus compliquée que toutes celles que tu as déjà connues... et ça commence à faire légion... Elle risque de s'attacher et après, ce sera trop difficile pour t'en débarrasser... Et surtout, tu n'acceptes pas de dernier verre... Tu la largues gentiment en bas de chez elle et basta... même si elle insiste ! Surtout si elle insiste ! Pas de dernier verre... D'accord ? D'accord... »

     IX-1

     Raffermi par son dialogue intérieur, il sentit pourtant toutes ses bonnes résolutions l'abandonner dès qu'il aperçut sa silhouette au loin. Comment faisait-elle pour avoir cette démarche inimitable, mélange de légèreté et de grâce fragile qui lui inspirait immanquablement des élans de tendresse insoupçonnée ? Un air des Doors, souvenir de ses lointaines années fac, fleurit spontanément sur ses lèvres :

    She's walking down the street

    Blind to every eye she meets

    Do you think you'll be the guy

    To make the queen of the angels sigh ?

     

    Ce sourire qu'elle lui jeta quand il ralentit à sa hauteur et qu'il l'interpella... un sourire à vous attacher le coeur et à vous mener jusqu'au bout du monde... si l'on n'y prenait garde ! Mais Coriolan n'était pas du genre à défaillir comme une femmelette au premier sourire venu, aussi rayonnant soit-il...

    « Un verre, et c'est tout... » se morigéna-t-il en sentant ses défenses flaiblir mais il lui rendit inconsciemment son sourire.

    Il fut soulagé quand il entendit des borborygmes incompréhensibles sortir de sa bouche une fois qu'elle se fut installée dans sa voiture : des deux, c'était bien elle la plus intimidée. Tout était donc dans l'ordre des choses...

    Histoire de bien enfoncer le clou et de lui faire comprendre qu'il savait pour le piquant épithète dont elle l'avait gratifié jadis, il mit en route son lecteur de CD.... et surveilla sa réaction du coin de l'oeil.

    - Je crois savoir que tu aimes cette chanson, Cassie...

    Le fou rire qui la secoua après un moment de stupéfaction l'emporta avec elle, toutes digues rompues.

    Aussi ne s'attendait-il pas à ce qu'elle lui avoue aussi spontanément, comme une évidence à laquelle elle n'avait jamais songé :

    - Tu es beau quand tu souris.

    Cette simple phrase le déstabilisa. Un court instant. Mais assez pour qu'il ne lui réponde qu'à contre-temps :

    - Ah bon ? Seulement quand je souris ?

    IX-2

     Il eut l'impression que son ton moqueur n'avait pas suffi à masquer ses émotions car une lueur d'amusement s'était allumée dans le regard bleu lagon et elle choisit malicieusement d'entonner « Les Cactus ». Enfin, massacrer aurait été un plus juste mot. Les fausses notes n'empêchaient pas Coriolan de profiter de la chanson. De remonter en pensée le cours du temps. D'effacer le chapitre de ce fameux après-midi de printemps où une jeune étudiante exubérante l'avait ignoré, pour en réécrire un autre plus à sa convenance. Etait-ce seulement possible d'ignorer tout un long pan de son existence ? Ce pan où elle n'avait pas été ?

    Pris d'une subite inspiration, Coriolan bifurqua à gauche.

    - Hé ! Mais ça n'est pas le chemin de mon appartement, Coriolan...

    - Je sais, Cassie, mais... il se racla la gorge. J'ai envie de te montrer un endroit cher à mon coeur. Un endroit où tout a commencé pour moi. Je te demande juste de me faire confiance. Le veux-tu ?

    La jeune femme hocha silencieusement la tête.

    - Fort bien. Alors ferme les yeux et surtout ne triche pas !

    Ils roulèrent sans échanger une parole. Les mots étaient inutiles dans cette attente presque palpable.

     

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  • Commentaires

    1
    SheZeve
    Jeudi 8 Juillet 2010 à 04:08
    2
    Jeudi 8 Juillet 2010 à 06:52
    Corio est en train de fondre!!!!
    3
    Link
    Vendredi 9 Juillet 2010 à 10:41
    Ahah : surtout pas de dernier verre, hein ! Et après : un dernier verre et c'est tout. Y a du lâcher prise, cher Dom Juan !
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