•      Aïe aïe aïe ! Comment peut-on en même temps brûler et être mort de froid ? Malgré la biafine, je suis couvert de cloques qui donnent l’impression que je me suis brûlé au second degré ! Mais si ça brûle sur les coups de soleil, j’ai passé la journée à frissonner. Je dois être le seul clampin du coin à porter une polaire. La tête des collègues quand j’ai demandé qu’on arrête la clim’ ! C’était presque aussi drôle que quand je suis arrivé à l’heure pile ce matin. Destang était vert. Par contre c’était pas gagné gagné ! Je me suis évidemment levé à la bourre et je n’ai pas pu résister au reste de gigot dans le frigo. Les deux joggings de cette semaine m’ont donné une pêche d’enfer : j’ai dû battre le record départemental du 200m en grimpant les escaliers !

      Ça n’a pas empêché ce connard de m’informer que j’étais convoqué vendredi midi chez le DRH.  Avec un sourire resplendissant. Depuis son arrivée il y a six mois, on ne peut pas se blairer. Mais il est permanent, lui ! Moi, je suis intérimaire. Va falloir remettre mon CV à jour, on dirait !

          Je me demande quand même ce qui m’est passé par la tête hier matin. Ou alors je deviens pervers ! Suivre une inconnue avec toutes les histoires de tarés dont les journaux sont remplis ! Si j’avais fini au poste, je l’aurais bien cherché quand même ! J’aurais eu l’air malin à leur expliquer qu’elle sentait bon ! C’est comment qu’il s’appelait le tueur dans le bouquin de Süskind ? Grenouille je crois…

    10 - Mercredi

          Brrr, je me gèle. Mélina pense comme moi. C’est ma tyrroïde qui doit déconner à pleins tubes pour que j’aie froid comme ça. Je vois la toubib lundi. Elle a intérêt à trouver ce qui débloque !


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  •   Bizarre quand même cette présence que je ressens chez moi, surtout la nuit. J'ai de plus en plus l'impression de revivre un mauvais remake du Horla de Maupassant. Ca fait un peu le même effet : parfois mon image dans le miroir se brouille. J’ai l’impression d’être moi-même un mirage. Ou plutôt… On dirait que quelque chose d'impalpable et d'étranger se place devant moi pour se montrer, en me dissimulant. Puis cet esprit, cette âme ou je ne sais quoi disparaît lentement, dans une sorte de brume. Et mon image redevient complètement nette.

      Je n'ai osé en parler à personne, de peur de passer pour un fou. Convoquer un exorciste ou une voyante, non merci. Je suis un peu perturbé, en ce moment, OK, mais pas crédule au point d'inviter ouvertement des charlatans à entrer chez moi et me dépouiller joyeusement de mon salaire ! L'Etat s'en charge suffisamment bien...

      Le pire, c’est qu'hormis cette manifestation nocturne flippante, d'autres phénomènes paranormaux semblent me poursuivre... Un inconnu a fait livrer des fleurs à Mélina, hier au boulot, surement attiré par le parfum irrésistible de son déodorant, comme dans les pubs bien léchées de la télé. Faut dire qu’elle en met des tonnes. Bref, c’était un gros bouquet composé qu'elle s'est empressée de montrer à tout le monde avant de le laisser occuper une place dominante sur son bureau. Pas moyen de lui extorquer le nom de son admirateur secret, mais par contre, elle arrêtait tout le monde pour que l'on profite du parfum envoûtant que les fleurs pouvaient dégager.

      Je n'ai pas pu déroger à la règle. Il fallait que bien j'aille aux chiottes, et le bureau de Mélina est sur le trajet des toilettes... Elle m'a donc arrêté, comme la moitié des autres employés, pour me faire profiter de son cadeau matinal.

      Les fleurs étaient fraîches. J'ai ce réflexe un peu idiot de toujours toucher les plantes, comme pour m'assurer si elles sont vraies. Je reconnais qu'elles sentaient très bon en effet. Après, je ne me suis pas non plus éternisé, d'abord parce que j'avais vraiment envie de pisser, et ensuite parce que mes retards accumulés avaient aussi fait grossir la pile de dossiers sur le mien, de bureau.

      C'est pendant que je me lavais les mains que j'ai entendu ces voix chuchotantes. Puis Mélina a crié.

    11 - Jeudi

     Une masse de personnes s'était amassée tout autour d'elle et de son bouquet.

      Les fleurs étaient aussi sèches que celles d'un pot pourri dans une coupelle. Sèches et cassantes comme si elles avaient trainé des semaines sans soin, suspendues à la poutre d'un plafond.

    Moi ? Ou cette chose qui me poursuit ?

    Hanté, je suis hanté.


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  •   Bon, on y est. Vendredi midi. La secrétaire avait un petit air de pitié. Bof, en fait, j’en avais marre de ce boulot, de ces bureaux où on se pèle à longueur de journée. Et puis je n’avais jamais remarqué à quel point ça puait le produit d’entretien. Ils ont changé leur marque sûrement parce que c’est quasi insupportable. Allez, c’est mon tour. Destang vient de quitter le bureau avec un air narquois. Je le fixe droit dans les yeux. Il pâlit brusquement et s’enfuit comme si j’avais montré les dents. Quelle lavette ce mec !

      Le DRH me fait asseoir d’un air compassé. Il m’explique que, malheureusement, mon contrat ne sera pas renouvelé dans un mois. Je reste de marbre tandis qu’il s’empêtre dans des explications embrouillées. Je ne dis rien. Pourquoi ce type m’impressionnait-il les autres fois ? Sa Rolex, c’est une fausse, comme celle de Destang d’ailleurs. Son costume n’est pas si impeccable que ça. Et puis d’un point de vue juridique, il n’est pas dans son droit. Cette certitude s’impose à moi. Lorsqu’il semble à bout de mots compliqués, je lève un sourcil. Il se fige.

    « Si je résume bien, vous m’avez exploité en CDD répétitifs depuis 3 ans en me faisant miroiter un CDI. Sous le prétexte de cinq retards en dix jours, alors que jamais en trois ans ça ne m’était arrivé, vous me lourdez ? Sans même chercher à savoir si j’ai une raison valable ? Alors que je rattrape le soir le temps perdu le matin. Vous savez quoi, je vais peut-être aller jusqu’aux prud’hommes après tout. »

      Vu sa tête, j’ai tapé juste. Mais je n’ai pas envie de rester dans cette boîte, non. Il bafouille.

    « Ne vous énervez pas… Je vous en prie on va trouver un arrangement… Vos jours de congés… Une prime conséquente… Une lettre de recommandation… Un départ à l’amiable… »

    Vains dieux, il tremble maintenant !

    12 - Vendredi

     « Vous feriez mieux d’arrêter cette fichue clim’ ! Bon, OK pour vos conditions. Je pense solder mes congés et mes RTT, un mois, ça doit régler à peu près le compte. Vous me préparez tout ça pour la fin de l’après-midi, je vais mettre mon bureau en ordre pour mon successeur. »

       Quand je reviens, il a tout préparé au cordeau. Je passe saluer Mélina qui m’embrasse sur la joue. Elle frissonne. Pas étonnant avec son T shirt riquiqui.


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  •    J'avais un tas de projets dans ma tête pour le week-end du genre : ménage, lessive, pique nique, ciné, courses, télé, match. Pas un truc d'hyper actif non plus... Un week-end normal quoi... Mais je ne sais pas... Rien que de voir la lumière à travers le rideau, ça me fatigue d'avance.

      Allez, bouge toi un peu Sandro ! Tu vas pas comater au lit toute la journée ! Avec toutes ces corvées que tu repousses depuis deux semaines...

    Rassemblant tout mon courage, je suis descendu acheter le pain.

      En sortant la lumière m'a agressé en pleine figure. J’ai eu l’impression qu’elle cherchait à me pénétrer par l'intérieur de mes pupilles. Ça en a été presque douloureux. Je suis remonté en catastrophe chercher une paire de lunettes de soleil et j'ai réussi à traverser la rue sans que mes rétines ne finissent en cendres.

      Si on écoute les médias, un soleil de plomb transforme la ville en fournaise. Et moi, j'ai froid. Bordel, vivement lundi que j'aille voir enfin ce médecin ! J'en peux plus d'être à côté de mes pompes comme ça.

      En rentrant je me suis affalé sur le canapé. J'ai rien foutu mais qu'est-ce que je suis crevé ! Finalement, j'ai trainé dans le canapé toute la journée. La pile de linge et la poussière attendront.

    13 - Samedi matin

    Procrastination, quand tu nous tiens.


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  •   Quelle heure est-il ? 21h ? Mais c’est du grand n’importe quoi maintenant ! J’ai dormi toute l’après-midi ! Par contre je devais en avoir besoin, j’ai une pêche d’enfer ! Wow ! Bon, j’ai la dalle, le frigo est vide. Pas grave, un samedi soir, je vais trouver mon bonheur en ville !

      Et voilà, rien de tel qu’une bonne entrecôte saignante chez Maître Kanter et quelques verres pour fêter mon départ de cette foutue boîte ! Dommage que Mélina et Paul n’aient pas été libres ce soir. Je fête tout seul ma liberté.  J’ai bien envie d’une autre margharita. C’est bizarre, j’en ai déjà  bu deux, et comme si c’était de l’eau. Pas la moindre petite sensation de gaité alcoolisée. Il est où le serveur, faut que je lui dise de la corser un peu plus pour moi.

      Tiens c’est  marrant ! Avec tout le monde qui se presse à l’entrée, dans le miroir derrière le bar, je vois une table libre depuis tout à l’heure, non débarrassée.  Ils sont débordés ce soir. Ah, le voilà.

    « Une margharita double s’il vous plaît… 

    - Tout de suite, monsieur. »

    Je déguste mon verre en rêvassant à mes prochaines vacances. Des pays chauds, ce serait cool ! Guadeloupe, Martinique…

    « Un autre verre, monsieur ? » Je  sursaute, les yeux braqués sur le miroir du bar. Le serveur à côté de la table vide… C’est la mienne ! Non, c’est impossible.

    14 - Samedi soir

    « Vous vous sentez mal, monsieur ? » Je cligne des yeux, halluciné. Je pensais que ce délire était terminé, mais apparemment, je suis réellement  poursuivi par quelque chose. Ce coup-ci, mon image a vraiment disparu !

    « Je vais plutôt payer la note ! » Je me sens balbutier. Le regard du serveur sur les  cinq verres que j’ai descendu ne laisse pas de doute sur ses pensées. La colère gronde en moi, il recule d’un pas en récupérant son appareil à carte bancaire.

    « Bonne soirée, monsieur ! »

    Je l’écoute à peine, une odeur furtive m’a fait me dresser d’un bond. Je récupère mon anorak et je quitte la brasserie  au pas de course.

       Cette voix douce ? Je bondis sur mes pieds mais je suis seul dans l’ombre. Qu’est-ce que c’est que ce délire ? Qu’est-ce que je fiche dans cette impasse sombre d’ailleurs… Je sortais du resto ! Je recule d’un pas. Mon pied heurte quelque chose de mou. Je baisse les yeux pour croiser le regard mort d’un rat. Saigné à blanc. Machinalement, je m’essuie les lèvres. Cette trainée rouge sur ma main. Je me sens partir à la renverse.


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