•    Le bruit qui m'a réveillé brusquement se répète. Comme si quelqu'un était entré dans mon appart. Mon réveil annonce 3h du mat. J’entends comme des voix qui chuchotent à proximité. Mélina m'avait raconté que c'était arrivé une nuit à un de ses cousins, je crois. Des cambrioleurs qui avaient réussi à pénétrer chez lui pendant la nuit. Il avait pu les surprendre et ils s'étaient enfuis. Mélina, elle est cool. Elle a toujours une histoire sur tout, pour tout. Mais là c'est moins cool... Parce que si y a vraiment des intrus... S'ils sont armés... Je sors discrètement de la chambre. Le calme semble être revenu. Après m'être armé d'un couteau de cuisine, je fais quand même le tour de l'appart, par précaution.

    Personne.

    Je termine par la salle de bains.

      Sûrement un bruit à l'extérieur, ou un rêve un peu violent qui m'aura tiré des bras de Morphée. Je me passe un peu d'eau sur le visage, histoire de me remettre les idées en place avant de me recoucher. Le miroir semble taché. Mon image me parait floue. Je passe la main sur ce que je pense être une saleté, mais plus mon mouvement balaye la surface, plus mon image s'efface du miroir.

    05 - Nuit de jeudi à vendredi

    Je recule brusquement.

    Je cherche autour de moi. Toujours personne. C'est quoi ce bordel ? Un truc paranormal ? Manquait plus que ça. Je me rappelle pas avoir bu hier soir.... Un reste du fond de la migraine qui me ferait halluciner ?

    Mon image est parfaitement lisse et nette. Bon j'ai toujours ma tête des mauvais jours, mais aussi si je passe pas une nuit correcte, ça risque pas d'aller en s'arrangeant cette affaire ! Non, rien. Je suis décidément dans le miroir, plus de tache. Plus de flou.

    T'es pas tranquille vieux, faut te reposer... Ou consulter !


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  •   Vains dieux ! Je suis encore en retard. Mais là, c’est du sérieux, du lourd, de la faute grave, quasi irrattrapable. Je devais être avant midi chez maman. C’est 11h53 au réveil. Faut que je me bouge ! Je plonge sous la douche. Le frigo me fait de l’œil mais pas le temps ! Pas même le temps de vérifier  si je suis coiffé correctement.

    « Alessandro ! Mon petit, que s’est-il passé ? »

    Ma mère m’accueille, l’air terrifié. Quoi encore ? Elle me serre fort dans ses bras comme si elle ne m’avait pas vu depuis trente ans au bas mot. Et c’est quoi ce parfum qu’elle porte aujourd’hui ? Elle s’est convertie au patchouli ou quoi ?

    « Mon Sandro, tu es malade ? Tu es tout pâlichon ! Ah je le savais, tu fais une déprime. Cette fille n’était pas pour toi ! »

      Je croise le regard de mon reflet dans le miroir de l’entrée. Ah oui, effectivement. J’ai toujours ma tête de gueule de bois.

    -  Mais non maman ! Ne t’inquiète pas. J’ai juste une petite migraine… 

    - Oh mon petit !  Je t’ai préparé ton entrée préférée. Tu devines ?

    -  La tchouctchouka  de mamie Nadja ? Miaaaam, je meurs de faim!

      En effet, des effluves familiers titillent mes papilles. J’en salive jusqu’à ce qu’une autre odeur parvienne à mon nez, me coupant net l’appétit.

      Je m’installe à table. Toute fière, ma mère apporte le plat et me sert généreusement. Heureusement que je suis déjà blafard, j’ai le cœur au bord des lèvres. Bordel, c’est quoi ce délire ? J’aime la ratatouille kabyle, j’adore ça ! Mais ce qu’elle me sert est infect !

    « Qu’est-ce que tu as changé à la recette, m’man ? Un nouvel ingrédient ?

    - Je n’ai rien changé Sandro.  Rien du tout ! Les légumes sont frais du marché de ce matin et… Alessandro !

      J’ai à peine le temps de me lever et de courir aux toilettes que je vomis toutes mes tripes. Ma migraine a décuplé. Je reste quelques instants allongé sur le carrelage frais.

    06 - Samedi

      Ma mère tambourine à la porte,  parlant d’appeler le SAMU, SOS médecins et les pompiers en même temps. Je sors de la pièce, un peu hagard. Je la laisse m’installer sur le canapé, me faire la leçon sur ma (sûrement) mauvaise hygiène de vie. Je lui promets que je prends au sérieux ma santé, que j’ai rendez-vous chez le toubib dans la semaine… Je croise les doigts dans mon dos à ce petit mensonge. Mais quand elle retourne dans sa cuisine, une autre odeur réveille mon appétit. Je meurs soudain de faim.

    « Tu as fais quoi après ? Du rumsteck ? Et des frites ? »

      Sous les yeux éberlués de ma mère, je retourne me mettre à table et je dévore, comme si de rien n’était. Rien de grave finalement. Tiens c’est comique ça ! Des frites comme remède à la migraine. Faudra que j’en touche deux mots à Mélina !


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  •   Eh bien voilà. Des frites ! Qui l'aurait cru ? C'était mon remède miracle.

      Ce matin je pète le feu, je me tiens une de ces formes ! Je pourrais soulever les montagnes ! Bref, je me suis sérieusement inquiété pour rien. Un virus, un bête virus, et avant même que le médecin soit dispo, il s'est terminé. Cinq ou six jours, c'est le délai courant.

      Je me sens tellement bien que je file faire un jogging. Je fais trois fois le tour du parc. Même pas essoufflé.

    07 - Dimanche

      Ca faisait longtemps! Ca doit être les premiers effets bénéfiques sur mon organisme depuis que j'ai arrêté la clope... Il y a six mois... On y croit... Enfin, allez si, ça me motive pour pas reprendre.

      Une seule chose me turlupine encore lorsque j'entame le chemin du retour. La soirée au bar, je m'en souviens. Les verres que j'ai bus aussi... Et puis c'est le trou noir. Je me rappelle m'être réveillé dans mon lit, comme d'habitude ce matin là, mais entre ce bourbon et le moment où j’ai ouvert les yeux, c'est le néant. Qu'est-ce que j'ai foutu cette soirée-là pour choper ce virus ? Je me suis quand même pas mis minable à ce point ?

      Une odeur de grillades m'arrête instantanément au troquet en bas de l'immeuble. Allez, après une telle dépense, un peu de fer et de vitamines me feront le plus grand bien. En plus, elle me fait de l'œil cette côte de bœuf sur le plateau du serveur. Juste le temps de prendre une douche et je me fais plaisir.


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  • Tiens j’ai chopé un coup de soleil dans la nuque ! C’est vrai qu’il faisait beau hier mais à ce point ? J’aurai dû prendre ma casquette… Faudra que j’y songe, le printemps a l’air bien installé cette année.

    « Encore en retard, Silvani !

    -  Oui chef, désolé chef, je partirai plus tard, chef ! » 

    08 - Lundi

      J’adore voir la tête de Destang quand il ne sait pas si je me fous de sa gueule ou pas. Je reste impassible. Il disparait dans son bureau. Bordel, je sens que ce coup-ci mon CDD ne sera pas renouvelé à la fin du mois. De toute façon, ils ne me fileront jamais de CDI… C’est si pratique comme ça. Bon, je vais jeter un œil aux offres d’emploi. Un job de nuit, ça me tenterait de plus en plus, vu le mal que j’ai à me lever le matin. C’est délirant  quand même. J’ai bien l’impression de me coucher super tôt. Hier c’était juste après le repas. Enfin, il me semble…  J’ai mangé devant le Petit journal, ça c’est sûr. J’étais tellement crevé que je ne me souviens même pas être allé me coucher ! Pourtant j’ai rêvé de ces drôles de voix chuchoteuses. Ça, je m’en souviens bien. Ça m’a réveillé en sursaut, même. Et la veille… Stop, j’arrête de délirer. Le fantôme du miroir de l’autre jour me tape sur le système. J’ai bien fait de ne pas décommander mon rendez-vous chez ma toubib. J’ai peut-être un problème en fait. La thyroïde, ça dérègle le système, non, Mélina ?


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  •   Bon, il me fera pas chier aujourd'hui le boss. J'ai assuré grave, à 5h du mat que je l'ai mis ce con de réveil. J'ai même le temps ce matin de couper par le parc pour me rendre tranquille au boulot.

      Ils sont réchauffés les gens. Tous en débardeur, petit short ou robes courtes. Je sais pas, on doit pas avoir le même ressenti. Avec ce petit vent, je me les pèle un peu. Mais bon faut pas abuser. Je refuse catégoriquement de sortir la doudoune mi-mai.

    Une jeune femme me double au pas de course. Son odeur est juste envoûtante.

    09 - Mardi

       Surtout ce qui m'intrigue, c'est sa tenue... Apparemment non, ils sont pas tous réchauffés, les gens. Y en a des pires que moi... Elle, le pull ne lui a pas fait peur, même qu'elle a mis un anorak. Classe mais un anorak quand même. Je me sens moins seul. Et attiré comme un aimant vers elle. Alors je me mets à la suivre.

      Je vais passer pour un dragueur de merde, mais la tentation est trop forte. J'y vois même pas un intérêt sexuel en plus ! J'ai à peine vu son visage, je saurais même pas dire si elle est jolie ou pas....

      Elle court d'un pas léger. Et moi, glacé sous ce soleil de mai, je suis fasciné par ce seul être qui semble me ressembler en cet instant. 

      Je ne sais pas combien de temps je l'ai suivie. Elle s'est arrêté à un troquet, puis elle est repartie au pas de course, j'ai pu encore l'apercevoir quelques rues plus loin, avant qu'elle ne disparaisse dans un bâtiment.

      Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il peut être, mais lorsque je regarde ma montre ce ne sont pas les aiguilles qui me frappent en premier. C'est ce putain de coup de soleil qui couvre mon bras. Il est super traître ce soleil de mai, on ne le sent pas taper. Après une rapide inspection du reste de mon corps, je remarque que toutes les parties non couvertes ont pris une belle teinte écrevisse. Je suis quitte pour un arrêt biafine à la prochaine pharmacie. Il me reste combien de temps avant le boulot ?

    Chiottes.

    Je suis en retard.

    Gagné, Sandro ! Gagné...


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