• 04

    Il renifla les cheveux qui débordaient du béret élimé avec une grimace. Lorsqu’il le lui arracha, le tout tomba d'une seule masse dans le dos de la jeune femme.
    Il fouilla plusieurs tiroirs avant de dénicher des flacons et des onguents qu’il déposa sur le parquet.
    - Assied-toi, ordonna-t-il en désignant le sol.
    - Tu vas pas me déshabiller hein ? Je suis une honnête fille moi ! Je veux voler, c’est vrai, mais j’suis pas prête à tout non plus pour...
    - Assied-toi Winona, répéta-t-il sèchement.
    Elle s’exécuta. Avec une expression de contrariété mêlée d’inquiétude sur le visage. Voilà qu’elle était bien maintenant. Ca lui apprendrait à suivre n’importe qui dans les rues, simplement parce qu’il porte des habits de pilote.
    S’il la touchait, elle hurlerait. Juré. Elle hurlerait. Et elle le mordrait. Jusqu’au sang !
    Elle sentit ses mains courir dans ses cheveux. Il y avait presque de la tendresse dans ses gestes. Winona s’adoucit légèrement.
     
    - Qu’est ce que tu fais, Elros ?
    - Je regarde si tu as des poux.
    Elle se redressa d’un bond et lui envoya une claque monumentale dans le même mouvement.
    - Goujat ! Comment oses-tu parler à une dame sur...
     Elle s’interrompit devant la mine concentrée qu’il affichait. De toute évidence, non seulement il n’avait eu cure de la gifle, mais en plus, il n’écoutait strictement rien.
    Il la saisit par son écharpe et l’assit vigoureusement dans un fauteuil posé face à un long miroir.
    - Tu ne veux pas te laver ? Soit. Mais tu ne m’empêcheras pas de te décrasser le visage, petite souillon.


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  • 05

    Il n’y avait cette fois plus aucune douceur dans ses gestes. Elle eut l’impression d’être un plat à gratin qu’il récurait à la paille de fer. Elle tenta tout d’abord d’exprimer son mécontentement, mais lorsqu’elle ouvrit la bouche, elle engloutit un demi-litre de savon. Donc elle se tut.
     


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  • 06

    La cible suivante fut ses cheveux. Il trancha dans la masse à coups de ciseaux, tant certaines parties étaient crêpées et irrécupérables. Il utilisa deux flacons de shampooing et la rinça en lui plongeant la tête dans la bassine, la maintenant fermement tandis qu’elle se débattait.
    - Tu cherches à me noyer ou quoi ! braillait-elle entre deux bouillons qui la nettoyaient du savon qu’elle avait encore dans le gosier.
    Il l’arrosa copieusement de vinaigre et d’essence de lavande (dans le doute, pour les poux), et termina par une cuillère d’huile d’olive afin de faire briller l’ensemble.
    Il la saisit des deux côtés de la tête, froissant la chevelure entre ses doigts.
    - Ca commence à prendre forme, constata-t-il fièrement pour lui même, sans prêter attention au grognement qui lui répondait.


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  • 07

    Puis ce fut le maquillage.
    Dans la cabine du Vicomte Ankor des Vents Changeants, Elros dénicha un trousseau oublié par l'une de ses innombrables maîtresses à la suite d’une soirée un peu arrosée. Fort de son trophée, il revint achever la transformation de Winona.
    Elle protesta une dernière fois avant qu’il ne lui ferme la bouche en pressant ses doigts sur ses joues pour lui appliquer le rouge à lèvres qu’il venait de choisir.


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  • 08

    C’était terminé.
    Il admirait à présent le résultat. Une fois rincée, une fois coiffée, une fois pomponnée, il fut presque étonné de découvrir qu’il se cachait une femme sous cette couche de suif qu’il s’était évertué à gratter. Une jolie femme qui plus est.
    Et c’était lui qui l’avait créée. Comme on sculpte une statue. Comme on peint un portrait.
    Il se laissa surprendre. Surprendre par le plaisir qu’il avait pris à la transformer, tout au long de cette après midi. Et par cette fierté qu’il en tirait.
    Il fit pivoter le fauteuil où elle se tenait toujours assise pour qu’elle puisse se voir dans le miroir qui se tenait près d’eux.
    - Vous voilà bien belle, madame, avoua-t-il tandis qu’elle ne reconnaissait pas.
    Elle n’était plus cette poupée qu’il avait manipulée avec si peu de manières.
    - Tu me vouvoies maintenant ?


    Elle se leva pour mieux se regarder encore. Gênée par l’image que ce miroir lui renvoyait.
    - C’est moi ! C’est moi ?
    Une image qui n’était pas la sienne. Elle n’était pas elle. Mais la jeune personne qu’elle voyait soudain à travers cette glace la flatta au plus haut point... Elle passa une main dans le chignon qu’il avait noué sur sa tête... Puis, elle chercha à retrouver les traits de son visage. Incapable d’identifier cette peau d’ivoire que la poussière avait dissimulé toutes ces années.
    - J’suis une lady ! se gaussa-t-elle avec un accent épouvantable.
    La réalité de sa voix et de ses manières retomba sur Elros comme une chape de plomb. Enveloppée dans ses guenilles déchirées, Winona avait un visage de princesse sur une allure de mendiante.
    - Hum, marmonna Elros, il y a encore du travail...
    - Qu’est-ce que tu dis ?
    - Je crois qu’il est urgent de faire quelque chose pour tes vêtements...
     


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