• 08

    Il s’approcha. Comme à chaque fois... Il fit glisser ses mains autour de son visage. Lentement. Comme à chaque fois... Les enroulant autour de sa nuque pour mieux la conquérir. Garder sur ses paumes la sensation de son parfum.  De sa peau. Comme à chaque fois...
    - Je t’ai attrapée, murmura-t-il, mêlant son souffle à celui de la jeune femme qui restait obstinément immobile.
     
    Elle le fixait. De son œil unique et clair. Quasi translucide. A travers lequel elle était capable de se livrer autant que de se fermer. Se livrer. Uniquement à lui. Parce qu’on est toujours rattrapé par son destin... Par sa raison de vivre... Et que c’est à travers cette vie qui s’insuffle que l’on respire. Que l’on se sent vivant. L’un comme l’autre. L’un pour l’autre. Bryce à Carolyn. Carolyn à Bryce.
    Les mains du capitaine l’enveloppaient maintenant entièrement. Avec une douceur et une puissance qui hésitait entre la caresse et la brisure. L’amour et la mort. Le début et la fin.


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  • 09

    Mais tout ne devait être qu’un éternel recommencement. L’étau se resserra autour du cou de la Comtesse des Aiglefins. Il l’attira d’un mouvement sec et précis contre son visage. Et comme à chaque fois, Bryce posa un baiser qu’il ne pouvait contenir sur les lèvres de la Lady borgne.


    Parce qu’il ne restait après la traque que l’excitation de l’avoir vécue.
    Il ne restait que le désir de se chasser.
    De se fuir.
    De se trouver.
    De se séparer.
    Sublimé par l’instant particulier où chaque fois il lui murmurait « je t’ai attrapée ». Encore...
    Où chaque fois elle s’offrait. Docile. Lui faire croire qu’il avait gagné. Cette nuit. Car il n’y a de plaisir à s’échapper que lorsque l’on sait la capture possible. Et s’il y avait une chose qui intéressait Carolyn, une seule, c’était d’être capturée par Bryce. Encore et encore. Jusqu’à l’épuisement...


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  • 10

    Il dormait toujours lorsqu’elle se réveilla. Les corps encore collés par la sueur et leurs odeurs qui s’étaient mélangées. Ce temps où la loi et le crime n’avaient fait plus qu’un. Elle se pencha. Silencieusement. Admirant ce visage d’ange qui respirait paisiblement. Bryce au visage si parfait. Carolyn au visage abîmé.
    Elle s’approcha afin de déposer ses lèvres sur les siennes. Et s’imprégner de l’arôme qui s’exhalait de sa peau. Le conserver à travers un baiser. Jusqu’à la prochaine fois.
     
    Il ouvrit vivement les yeux, et tira l’épaisse chevelure noire en arrière. Elle détestait cette seconde. Celle où il lui révélait qu’il ne dormait pas. A l’affût. Lui prouvant que c’était lui qui prenait et non elle qui choisissait. Elle le redoutait autant qu’elle le désirait. Car dans les prunelles de Bryce, rien jamais ne brillait avec autant de détermination qu’en cet instant. Ce regard froid et dur, implacable, perdu au milieu de l’infinie douceur des traits de son visage.
    Lui non plus ne se laissait pas capturer. Et c’était toujours au moment où elle s’interrogeait sur le fait qu’elle pouvait peut être l’aimer qu’il la ramenait face à la plus stricte réalité.
    - Pars.
    - Bryce...
    - Va-t-en.
    Elle se redressa sans chercher à cacher les courbes de sa nudité. Eclairée par la pâle lueur de la Lune. Et celle encore un peu orangée des bougies qui finissaient de fondre sur la table de chevet.
    - Donne-moi une raison de te retrouver, Carolyn. Donne-moi une raison d’exister.
    Elle noua ses doigts entre les siens. Une expression oscillant entre nostalgie et plaisir sur ses lèvres. Elle joua quelques minutes avec la main qu’il avait consenti à lui abandonner.
    Elle se leva.
    Il s’était rendormi.


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  • 11

     
    Il se tenait debout. Près de cette fenêtre dont le carreau n’avait plus qu’une transparence trouble et brumeuse. Envahi de la fumée qui se collait avec la poussière entre chacune des fibres du verre. Prisonnière.
    Il était nu encore. Le corps moite de cette nuit sans sommeil qui restait imprimée sur sa peau avec cette culpabilité, cette fièvre. Cette odeur. Il pressa plus fort le papier qu’il tenait entre ses doigts. A le déchirer.
    Bryce esquissa un sourire léger. Presque un rictus. De son visage d’ange, qui gardait la candeur trompeuse des traits de l’enfance, brillait un regard noir qu’il jeta une dernière fois au-delà des nuages.
    Il déposa un baiser sur la boule de papier que la moiteur de sa main désagrégeait mollement. Mais, un enfant, cela faisait des années qu’il n’en était plus un. D’un geste vif et routinier, il la lança dans les braises rougeoyantes de la cheminée. Effaçant les quelques mots qu’elle avait griffonnés. Les mêmes. Toujours. En attendant que l’on vienne cogner à sa cabine... En attendant de retrouver les restes épars de ses vêtements que la veille avait égarés... En attendant une nouvelle taverne... Une nouvelle descente...


    « Attrape-moi si tu peux,
    Bryce des Jardins aux Oiseaux... »


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  • Depuis que tu es entré dans ma vie, rien ne va plus. J’ai perdu tous mes repères, je ne sais plus qui je suis, où je vais, ni comment faire. Tu m’as totalement déboussolée, déstabilisée, désarmée.

     

     

    Et pourtant tu es l’homme de ma vie. Tu le seras toujours. Personne ne sera jamais plus important que toi à mes yeux.
    C’est sûrement pour ça que j’ai sombré dans une telle déprime. J’ai peur de ne pas être à la hauteur. Et cette peur me paralyse. Je crains de me tromper, de mal faire. Je t’aime tellement. Je t’ai aimé dès l’instant où je t’ai vu. C’est la première fois que j’aime si fort, et cet amour m’a submergée d’un coup, je n’étais pas préparée. Il était trop grand pour moi.

     


    Je n’ai jamais été très sûre de moi. J’ai souvent l’impression de gêner, de ne pas être à ma place. Alors le moindre complexe me rend encore plus mal à l’aise.
    Lorsqu’on s’est rencontrés, j’étais mal dans ma peau. Il faut dire que j’avais pris beaucoup de poids ces derniers temps, je n’étais pas au meilleur de ma forme. J’étais épuisée.
    Mais tu ne m’as pas jugée. Tu m’as aimée instantanément, comme si tu n’avais pas le choix.
    Et puis cette intimité que nous avons partagé très vite, je me suis forcée à me dire que c’était naturel, que c’était dans l’ordre des choses que je me mette à nu devant toi, dans tous les sens du terme. Mais ce n’était pas évident pour moi, qui ait toujours mis du temps à me dévoiler. Pour toi, j’ai mis ma pudeur de côté dès notre première rencontre.

    Les conditions n’étaient pas idéales non plus, le contexte était angoissant. Si on m’avait dit un jour que je rencontrerai l’amour de ma vie à l’hôpital, dans un moment d’atroces souffrances… C'est loin d'être idyllique comme circonstances. Les médecins ne comprenaient pas pourquoi j'étais dans un tel état. J'avais tout ce que j'avais toujours désiré. J'avais tout pour être heureuse. Je t'avais enfin rencontré, toi que j'attendais de connaître depuis de longs mois.

     

     

    La suite ne fut guère plus joyeuse. J’ai douté, à chaque instant, j’ai douté de moi, de mes capacités à être à la hauteur de notre relation. Je ne sais pas pourquoi j’avais cette trouille bleue, puisque toi, tu ne semblais pas être tellement inquiet. Tu ne remettais rien en cause, tu prenais les choses comme elles venaient.
    Mais je sais bien que tu ressentais ma peur au fond de toi, elle était si grande qu’elle inondait tous ceux qui m’entouraient. Maintenant je culpabilise d’avoir douté.
    Mais j’ai compris, ça y est. Je sais que je n’ai pas été aussi forte que j’aurais dû me montrer, mais ce sont des choses courantes d’après les médecins. Le diagnostic était évident : baby blues.

     

     

    J'ai mis du temps à m'en remettre. J'avais du mal à accepter ma faiblesse. Non seulement j'avais peur, mais en plus, inconsciemment, je te le repprochais. Et je m'en veux, car tu n'y étais pour rien. J'ai eu des moments très difficiles ces neuf derniers mois, mais sache que je ne regrette rien. Je ne regrette pas de t'avoir mis au monde, mon fils.
    Ton père ne le regrette pas non plus ! Il était désemparé lui aussi devant mon état de déprime, mais il m'a soutenu du mieux qu'il pouvait. Aujourd'hui, nous sommes encore plus proches, grâce à toi.

     

     

    Cette épreuve a été difficile, notre rencontre ne s'est pas déroulée aussi bien que je l'espérais. Elle n'est pas parfaite, mais avec du recul, je t'assure qu'elle n'en est pas moins magique.
    Notre première rencontre était si forte en émotion qu'elle m'a bouleversée au point de me faire perdre le contrôle de moi-même. Mais elle restera toujours notre plus belle rencontre.

     

     

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