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  • 01


    La chaise racla le sol. La fourchette tomba en tintant contre le carrelage froid.
    Sélène s'était levée d'un bond. La chaise faillit se renverser. Son cœur se comprimait sous la colère et la tristesse ; et il ne tarderait pas à exploser.

    « - Allez, va-t-en ! Raillait son frère. »

    L'adolescente refusait de lui faire plaisir en s'avouant vaincue bien qu'elle n'avait qu'une envie. Se précipiter dans la chambre. Le sel de ses larmes lui piquait les yeux mais elle se refusait de lui montrer sa faiblesse en pleurant devant lui. Elle se mordit sauvagement l’intérieur de la joue.

    « - Qu'est-ce que tu attends ? Persiflait encore Hayden. Tu ne files pas pleurnicher dans les jupes de maman ? Allez, casse-toi ! »

    C'en était trop pour Sélène. Ses poings se serrèrent. L'explosion ne tarda pas. Ses paroles sortirent trop vite pour être comprises mais elle avait besoin d'évacuer cette pression.

    « - Lâche-moi ! Tu m'énerves ! Tu n'as pas le droit de me parler comme ça ! Tu n'as pas à me donner d'ordre ! J'en ai marre ! Marre de toi ! Marre ! Pourquoi t'échines-tu à me pourrir la vie ! Je n’aurais jamais dû naître... Si seulement j'avais su ! »

    La jeune fille criait, hurlait. Mais ne pleurait pas. Pas encore...

    « Arrêtez-vous deux ! »


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  • 02

    Julia s'était levée à son tour. Les rides marquaient son visage. Les cernes l'alourdissaient. Elle était fatiguée ; terriblement fatiguée. Même en rentrant du boulot, elle ne pouvait toujours pas se reposer, avoir un peu de calme et s'apaiser. Non, sa fille criait, son fils ricanait, et elle, elle avait juste marre d'entendre ces continuelles disputes.

    « - Sélène ! N'entre pas dans son jeu ! Il n'attend que ça, criait à bout de force la mère. Et toi Hayden ! Ne te crois pas tout permis juste parce que tu as dix-huit ans ! Monte dans ta chambre, tu m'agaces. Je suis assez fatiguée comme ça pour que vous n’en rajoutiez une couche quand je rentre du travail !
    - Facile à dire ! S'emporta Sélène. Ca se voit bien que tu n'es pas à ma place ! Tu ne comprends rien maman... Je ne monterai pas dans ma chambre, il ne veut que ça ! »

    Un sourire narquois s'étirait fièrement sur les lèvres d'Hayden. Il avait presque gagné. Encore quelques minutes, quelques phrases, et un claquement de porte plus tard, il aura réussi. Hayden savait trouver les mots qui faisaient mal. Les mots qu'on refusait d'entendre et de croire. Mais ces mots, à force d'avoir été criés, on finissait à les avoir ancrés dans notre esprit.

    « - Allez Sélène, maman t'a dit de monter dans ta chambre alors dépêche-toi ou elle va se fâcher tout rouge ! Tu as entendu ? Maman est fatiguée. Va-t-en ! »

    Voilà. Hayden avait gagné la partie. Sélène sentait ses larmes venir s’accrocher à ses cils. Elle cligna des yeux et une larme coula lentement, épousant la forme de son visage. L'adolescente se prit rageusement la tête entre les mains et fuit dans sa chambre.


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  • 03

    Elle claqua bruyamment la porte. Sélène alluma la vieille chaine hi-fi qui démarra sur le dernier CD de son groupe de rock préféré et tourna le volume. Pas pour énerver encore plus sa mère. Mais pour masquer ses sanglots. « Ecouter la musique trop fort provoque des risques de déficience auditive prématurée. »

    « Rien à faire, au moins, si je deviens à moitié sourde, je n’entendrais plus les vacheries d’Hayden. »

    Elle se jeta sur son lit, enfouissant son visage dans la couette moelleuse. Et ses larmes coulèrent, suivant le rythme de la musique. Elle augmenta encore un peu le volume, jusqu'à son maximum.

    Personne ne devait entendre ses pleurs. Encore moins son frère. Car pour lui, ça serait le summum de la victoire. Elle ne voulait pas lui faire se plaisir. Elle ne voulait pas qu'il sache qu'il avait réussi... Elle ne voulait pas qu'il sache qu'il était très fort à ce jeu... Elle ne voulait pas qu'il sache qu'il lui faisait du mal.
    La musique la pénétrait jusqu'à l'intérieur. La basse lui tambourinait la tête. Encore une fois, elle était vaincue. C'était devenu une routine pour Sélène. C'était à présent sa routine. Et elle voulait en sortir... Son cœur s'asphyxiait. Ses larmes laissaient derrière elles des traînées humides sur ses joues.
    Elle ferma ses paupières. Les larmes redoublèrent. Sa respiration saccadée l'énerva encore plus. Elle sanglota comme une enfant perdue. C'était déjà trop tard pour s'arrêter.


    « Quand est-ce que tu cesseras... Quand est-ce que tu me montreras un peu d’amour... Qu’est-ce que je peux faire à part attendre ? »


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